5Mer, migrations et climat
Le milieu marin est un milieu ouvert, qui ne connaît pas de frontières. Les courants font circuler librement les masses d’eau et répartissent la chaleur tout autour du globe. Ainsi, l’océan est le grand régulateur du climat, un équilibre établi depuis des milliers d’années. Cependant, cet équilibre est en passe d’être rompu à cause des activités humaines.
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Julien Beneyton, « Mauritania, la petite pêche », 2010. Galerie Michel Giraud
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© Julien Beneyton © ADAGP, Paris, 2025
Depuis le début de l’ère industrielle, l’océan a absorbé 90 % de l’excès de chaleur dû aux gaz à effet de serre, limitant à ses dépens le réchauffement de l’atmosphère. Aujourd’hui, les eaux de l’océan sont surchauffées, plus acides, moins oxygénées, plus diluées et plus stratifiées. Elles deviennent moins favorables à la vie marine. Les espèces capables de se déplacer migrent vers les régions plus fraîches, souvent vers les hautes latitudes. Celles qui ne peuvent pas bouger subissent de plein fouet ces changements rapides, sans avoir le temps de s’adapter.
En conséquence, les chaînes alimentaires sont perturbées. Des espèces fixes comme les coraux souffrent et risquent de disparaître. D’autres espèces comme les poissons se déplacent et montent en latitude pour retrouver de la fraîcheur, si bien que les eaux tropicales s’appauvrissent.
Les humains qui vivent près du littoral ou qui dépendent des ressources marines sont les premiers à subir les conséquences de ces dérèglements. La montée du niveau de la mer, les tempêtes et cyclones plus intenses, ainsi que la fragilisation de la banquise rendent le littoral moins habitable. La raréfaction ou la migration des espèces pêchées provoquent des tensions sociales, économiques et diplomatiques.
Face à ces bouleversements, les humains font preuve d’inventivité et de résilience. Cependant, parfois, la migration devient la seule option — au risque de perdre une part de leur identité culturelle.
Sénégal : pêcher ou partir ?
Sur la côte du Sénégal, les populations dépendent historiquement de la pêche. Cependant, depuis une cinquantaine d’années, cette région est confrontée à de nombreuses perturbations : la surpêche artisanale et industrielle, le réchauffement des eaux qui déplace des espèces marines vers le nord, la montée du niveau de la mer qui submerge le littoral lors d’événements extrêmes...
Les conséquences sont dévastatrices pour tous les métiers liés à la pêche : pêcheurs, mareyeurs, transformateurs, fabricants de matériel. Beaucoup doivent changer de métier, quitter le littoral, et parfois abandonner leurs traditions et leurs cultures ancestrales liées à l’océan.
Certains décident de s’exiler vers l’Europe, dans l’espoir d’y construire un avenir meilleur.
Groenland : vivre avec une nature déréglée
Comme toutes les populations arctiques, les Inuits sont à l’origine un peuple de migrants. Ils sont venus par vagues successives des régions arctiques asiatiques, en passant par le détroit de Behring. Chasseurs nomades, ils se sont stabilisés au Groenland, vivant de pêche et de chasse au caribou, au bœuf musqué, au phoque ou à la baleine.
Pour eux, « seuls le temps et la glace sont maîtres ». Leurs déplacements sur la banquise, les périodes de chasse et de pêche, l’abondance des captures dépendent entièrement des conditions climatiques.
Cependant, l’Arctique est aujourd’hui l’un des endroits les plus touchés par le réchauffement climatique. Les températures y ont augmenté de plus de 4 °C en moyenne, avec de la pluie à Noël, une banquise tardive et qui s’amenuise, des eaux qui se réchauffent, et un sol qui dégèle provoquant de vastes glissements de terrain…
Toute la société inuite est affectée par ces dérèglements de la nature. Chacun s’adapte comme il le peut, modifie ses activités, ses coutumes, migre vers la capitale ou à l’étranger, ou choisit de rester pour faire vivre les traditions de la culture inuite.
Dans les coulisses de l'exposition : zoom sur la restauration du kayak traditionnel inuit
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David Buckland, « Another World is Possible » – Ice Text projection, 2005-2009.
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© David Buckland
Îles du Pacifique : naufrage inéluctable ?
Tuvalu, Kiribati, îles Cook, îles Marshall… Ces myriades de petites îles perchées à seulement quelques mètres au-dessus du niveau de la mer sont bien vulnérables face à la montée des eaux. Le niveau moyen de la mer augmente actuellement à raison de 3 mm par an à cause de la fonte des glaces continentales et de la dilatation de l’eau de mer du fait de son réchauffement.
Cependant, cette hausse devrait s’accélérer au cours du siècle : d’ici 2100, elle pourrait atteindre au moins 1,40 mètre, et jusqu’à 2 ou 3 mètres dans les siècles suivants.
De multiples solutions sont à l’étude : rehaussement des terres, construction de digues, déplacement de certaines zones habitées, accords d’accueil avec d’autres États, recours juridiques, développement d’identités numériques, relocalisations… Une chose est sûre : demain ne ressemblera en rien à aujourd’hui pour les petites îles du Pacifique et leurs populations.
La victoire historique des étudiants du Pacifique Sud
Les espèces marines et le changement climatique
L’océan se réchauffe, entraînant en cascade de nombreuses perturbations : courants marins modifiés, désoxygénation, cyclones dévastateurs, montée du niveau de la mer, impacts massifs sur les espèces marines car la plupart ne peuvent pas réguler leur température.
Des espèces déplacent déjà leurs zones d’habitat pour conserver leurs conditions de vie habituelles. Cependant, toutes ne peuvent pas se déplacer assez rapidement pour survivre. Ainsi, une grande proportion des récifs coralliens a déjà disparu, avec la biodiversité qu’ils abritent.
Ces changements ont des effets directs sur les sociétés humaines, notamment sur la pêche. Dans les zones tropicales, les ressources halieutiques chutent fortement, touchant des populations parmi les moins responsables du changement climatique. En même temps, les zones de pêche migrent vers les hautes latitudes, attisant les tensions entre les pays. Même dans les régions tempérées, des espèces commerciales vitales peuvent disparaître à moyen terme.
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Guillaume Collanges, Poissons issus de la pêche artisanale, pilier de l’activité économique de Joal (Sénégal)
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© Guillaume Collanges