2Trois questions à Bruno Girveau
Rencontre avec le co-commissaire de Migrations & climat, historien de l'architecture et conservateur du patrimoine. Bruno Girveau évoque la force de la vision sensible et intuitive de l'art dans l'éveil des consciences au changement climatique.
Vous avez dirigé le Palais des Beaux-arts de Lille. Qu’est-ce qui vous a motivé à coordonner cette exposition à dominante scientifique ?
Quand Constance Rivière, directrice générale du Palais, m’a proposé cette mission, j’ai d’abord pensé que je n’étais pas la bonne personne. Je n’avais pas de connaissance précise ni sur les migrations, ni sur le climat, ni sur leurs interactions. En revanche et je pense avoir été sollicité dans cet objectif, j’ai toujours veillé à mêler les disciplines, à convoquer notamment le cinéma et la BD, que j’aime beaucoup, dans les expositions de beaux-arts.
Par ailleurs, j’avais initié à Lille un travail important pour réduire l’empreinte écologique des expositions. Ce travail pour Migrations & Climat
me semble une suite logique de cet engagement. D’ailleurs, les œuvres empruntées pour cette exposition viennent de musées et d’institutions
français ou européens pour restreindre les transports longue distance, conformément à la politique environnementale du Palais.
Qu’est-ce que les artistes amènent à l’exposition ?
Ils apportent une vision sensible et intuitive qui peut parler aux visiteurs. Je pense que l’adaptation au changement climatique peut être un projet de société enthousiasmant si chacun, citoyen, acteur politique, acteur économique, artiste, s’en empare. Or, malgré des données incontestables, les scientifiques peinent encore à éveiller les consciences. Peut-être ont-ils besoin d’un coup de pouce des artistes qui sont aujourd’hui nombreux à travailler eux aussi sur ces notions. Migrations & Climat est donc une exposition scientifique qui emprunte des formes inattendues pour sensibiliser et montrer à quel point ce sujet est devenu central pour tous. J’ai été surpris par exemple du nombre de jeux vidéo traitant de la thématique. Dans le parcours, j’ai donc veillé à ce que de grosses installations artistiques ainsi que des projections de films viennent régulièrement ponctuer la visite accessible dès l’âge de 10 ans. Les dessins animés de Miyazaki, dont l’œuvre est irriguée par une réflexion sur les liens entre nature et civilisation, sont tout aussi efficaces qu’un rapport du GIEC !
Y a-t-il pour vous une œuvre emblématique dans le parcours ?
Baden Baden Satellite Reef des sœurs Wertheim, qui représente de grands coraux en laine, est remarquable pour sa dimension à la fois plastique
et participative. C’est un morceau d’une œuvre spectaculaire et engagée Crochet Coral Reef TOXIC SEAS, qui sensibilise à la disparition des
coraux due au réchauffement climatique. Elle n’a pu être réalisée que grâce à la mobilisation de milliers de volontaires qui dans le monde
entier en ont crocheté des morceaux. C’est une bonne illustration de la convergence entre artistes et citoyens pour produire une œuvre forte
et immédiatement compréhensive.